Sortir de l'ombre.

Les feuilles bruissaient au dessus de sa tête, un bruit apaisant, comme une berceuse que la nature lui murmurerait à l’oreille pour le rassurer. L’arbre projetait son ombre devant lui comme une armure, allant jusqu’à lécher les murs lézardés, d’une couleur qui se voulait autrefois ocre. La main posée sur le tronc, il sentait sous ses doigts la sécheresse de l’écorce, peau rugueuse fouettée par des années d’immobilité. Inconsciemment, il en palpait tous les défauts, les échardes, les rainures, trouvant dans cette recherche un réconfort qui lui faisait défaut. Sous ses pieds, les feuilles mortes craquaient, ajoutant leur voix à celle de leurs sœurs encore bien vivantes et perchées sur les branches protectrices. Il y voyait ici une métaphore de la vie, certains s’accrochent et réussissent, d’autres lâchent prise et échouent. Mais au final, tout le monde finit par tomber. C’est ce qui lui était arrivé. Des pans de sa mémoire refirent brusquement surface et il vît défiler sous ses yeux des centaines d’images devenues floues avec le temps et qui retrouvaient leurs couleurs, comme de vieilles photos sorties d’un tiroir qui révèlent leurs secrets une fois la poussière éparpillée. Des éclats de voix depuis longtemps éteints résonnèrent à ses oreilles, des mots effacés se ré écrirent devant ses yeux. Comment avait-il pu laisser tout ça derrière lui, faire table rase d’un passé qui lui avait tant apporté ?

Il s’avança, fît quelques pas en dehors de l’ombre protectrice de l’arbre. Combien de fois il avait rêvé de refaire ce trajet, de remonter vers ce seuil, et combien de fois il avait du lutter contre cette envie, sachant que plus rien ne l’attendait ici. Il s’arrêta. Quelque chose le retenait. Comme si un fil, tendu entre sa raison et ses désirs, l’empêchait de faire un pas de plus. Qu’était-il venu faire ici ? Trop de temps s’était écoulé. Se souviendraient-ils seulement de lui ? Trente ans. Trente longues années avaient construit ce rempart infranchissable entre lui et son passé. Mais cette lettre, cette simple lettre trouvée un matin sur son bureau, au milieu des autres enveloppes, elle seule avait suffit à le replonger dans les méandres des souvenirs qu’il croyait bien enfouis au plus profond de lui-même. Il se souvenait de chaque mot, de chaque lettre imprimée sur ce papier à entête.

Monsieur Cameron White,

A l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ouverture de l’Académie de Cascadia, j’ai le plaisir de vous inviter au banquet organisé le samedi 18 octobre, au sein de nos locaux.

…

Le reste de la lettre n’était qu’une suite de compliments quant à sa réussite personnelle et à l’importance du rôle qu’il avait joué dans le développement de l’académie. Une référence polie pour lui rappeler de ne pas oublier le chèque de donation qu’il faisait chaque année. C’était le seul et unique contact qu’il avait gardé avec Cascadia, refusant obstinément de revenir vers un passé qui lui semblait douloureux. Il avait tout fait pour oublier, s’était abruti de travail, avait parcouru le monde de bout en bout, vu une grande partie de ce que la terre portait de plus beau, mais jamais il n’avait retrouvé cette paix, cette joie simple qui se profilait quand il passait le porche blanc surmonté de drapeaux, qui le menait vers ses jeunes années.

Pourtant à bien y regarder, le blanc était moins éclatant, les couleurs des drapeaux étaient moins vives… Tout avait vieillit, comme lui. S’en était fini du grand Cameron White aux rastas légendaires et aux baskets luxueuses. Il avait à présent les cheveux courts, les tempes grisonnantes, et à ses pieds, le cuir de ses chaussures italiennes luisait doucement, récemment cirées. Son costume de marque était parfaitement ajusté à sa carrure qui rappelait l’athlète qu’il avait été autrefois. Ses yeux sombres accusaient le poids des années, ils étaient moins vifs, plus observateurs, ils avaient perdu un peu de cette rage de vivre qui les faisait briller. Pourtant, au fond de lui, il sentait renaître cette étincelle. Ce petit quelque chose qui l’avait fait chavirer. Pendant ces trente dernières années, il avait fuit, fuit sans savoir pourquoi, ni vraiment ce qu’il fuyait. Ses souvenirs, sa vie… ses rêves tout simplement. Il n’était pas sorti de l’Académie par la grande porte, comme l’avaient fait tous ses anciens amis. Lui s’était enfui comme un voleur, reniant tout ce qu’il croyait être… Tout ça pour ne pas perdre un père qu’il avait tout de même fini par égarer en route. Il en avait bien pris conscience, mais il était déjà trop tard. Trop tard pour revenir en arrière, trop tard pour recommencer. Il avait fini par comprendre que dans la vie, on n’a pas vraiment droit à l’erreur, que même si les choses peuvent se réparer partiellement, on ne retrouve jamais ce que nos fautes nous ont fait perdre.

« Vous êtes perdu Monsieur, je peux vous aider ? »
La voix derrière lui le fît revenir sur terre. Il se retourna pour tomber nez à nez avec Rick. Enfin, avec le Rick d’il y avait trente ans, le jeune garçon aux cheveux ébouriffés et à l’éternelle chemise orange. Celui aux yeux pétillants, et au carnet fermement planté sous le bras. Ses yeux s’arrondir d’étonnement. Comment était-ce possible ? Le temps s’était-il arrêté ici ?
« Rick ? Rick Geddes ! Tu… tu n’as vraiment pas changé ! » Le jeune garçon le regarda avec un grand sourire, retenant vraisemblablement un éclat de rire.
« Je pense que je peux prendre ça comme un compliment. Mais je ne suis pas Rick. Je suis Kyle, son fils. Et vous, vous êtes certainement Monsieur White, nous vous attendions avec impatience ! »
Cameron dévisagea le jeune Kyle, se demandant comment la génétique pouvait à tel point influencer les générations futures. Kyle avait vraiment tout de son père. C’était une copie conforme du souvenir que Cameron avait de lui du moins. Malheureusement pour lui, Kyle avait aussi hérité des goûts vestimentaires de son père…

« D’autres personnes sont-elles déjà arrivées ? » Cameron pria pour ne pas être le premier et pouvoir se fondre dans la foule, malgré son mètre quatre vingt dix pas encore tassé.
« Une douzaine de personnes environ, majoritairement de votre promotion. Apparemment, vous êtes ceux qui ont gardé des traces des leçons du doyen Bates à propos de la ponctualité. » Kyle ouvrit la porte de l’Académie et précéda Cameron dans le couloir qui menait à l’open. Enfin à ce qui était l’Open autrefois.
Le doyen Bates. Ainsi l’ancien président avait réellement pris racine dans l’Académie. Quel âge pouvait-il avoir maintenant… Soixante-dix, quatre-vingt ? Plus tout jeune en tout cas… Cameron réalisa qu’il avait lui-même à peu près l’âge que le président Bates devait avoir quand il était à Cascadia… « J’ai pris un sacré coup de vieux » se dit-il. En tout cas, pour lui qui voulait se fondre dans la masse, c’était raté. Autant annoncer son arrivée en fanfare.
« Monsieur Cameron White » cria Kyle en le laissant entrer dans l’Open. La fanfare aurait été plus discrète. Toute l’assemblée se retourna, et Cameron vit une bonne dizaine de visages qui lui étaient familiers…

J'aime beaucoup ce début! c'est une bonne idée de faire revenir les éleves trente ans après!
Et Cameron à l'air d'avoir bien changer. Quant à Rick junior c'est le portrait de son pére!!! enfin quand il était jeune!
j'ai hate de voir les autres personnages et comment ils ont évolué!!
vite une petite suite c'est super! et original!

Si je me trompe pas tu m'avais passé ce début de fic y a quelques temps...Enfin tu as du changer des choses ou juste continuer un ptit peu, mais le début me rappelle quelque chose que tu m'as fait lire.

J'aime vraiment beaucoup en tout cas, la description de Cameron, ses pensées...L'idée de base qui pour une fois dans le trip "quelques années après" va permettre de pas raconter la meme chose que d'habitude. J'ai hate qu'on fasse connaissance avec les enfants des autres (si enfants il y a).

Bref la suite quoi !

J'aime beaucoup !!! Un scénario original et assez intéréssant. En plus l'histoire est très bien écrite. J'attends avec impatience la suite.

A louloute's production!! j'adore déjà, j'adhère au début!!

Rick a un fils... ça veut dire que Rick a eu une copine!!

j'aime vraiment bien ce début.... Comme d'habitude, façon d'écrire très agréable... Idée de base originale, ce saut dans le futur devrait être plein de surprises... et on évitera les histoires d'ados entre Squib et Cody et autres jeux genre "action ou vérité"....

Continue ô Merveilleuse Sub....

et bonne rédaction!!

encore une belle production depuis ma fic préférée d'entre toute celles de ce forum : "Ne lui parlez plus d'elle"
c'est vraiment dingue la façon dont tu écris, je donnerais n'importe quoi pour écrire comme ça
tu as un sens du détail et de la description vraiment impressionnant
j'aime les tournures, les structures...
quand je te lis, et particulièrement quand je lis "Ne lui parlez plus d'elle", mais dans celle-ci aussi, c'est vraiment dingue comme sensation, comme si j'étais dans un merveilleux bouquin qu'il est impossible de fermer lorsqu'on l'a ouvert
bravo pour tes fics, toute aussi sublimes les unes que les autres
et bonne chance pour l'écriture de la suite

Non je ne poste pas pour vous faire un faux espoir, mais juste vous remercier pour ces comms'! Et la suite viendra, faut juste que je l'écrive, je suis pas encore sûre de comment je veux faire tourner l'histoire c'est pour ça

Je me disais aussi, Sub qui poste déjà une suite ça me paraissait presque du domaine de l'impossible

Enfin, j'attendrai!! Je suis comme ça moi, j'attends!

Rien que pour contredire Mathilde, voilà "déjà" une suite Bon c'est court, mais c'est pas comme si je postais 20 pages à chaque fois hein. Bref, mais intense


Cameron, gêné, se gratta la tête en faisant un petit signe de la main aux personnes qui le fixaient. Mais pourquoi il avait tenu à s’infliger ça ?
« Autant quand tu es parti de Cascadia, on ne t’as pas vu t’éclipser, autant là, on peut dire qu’on t’entends arriver ». Cette voix… il l’aurait reconnue entre mille.
« Adena Wannabe Stiles… ». Une masse de cheveux bouclés surplombait le regard toujours pétillant de la jeune fille qu’il avait connu. Bien sûr le temps avait également fait son œuvre, et quelques rides au coin de ses yeux soulignaient le passage des années, mais elle semblait être toujours la même, vêtue de couleurs vives, le maquillage et la coiffure parfaitement assorties, le tout agrémenté par une coupe de champagne tenue entre des doigts manucurés à la perfection.
« Adena Richards maintenant… et ce depuis plusieurs années. Mais tu ne dois pas t’en souvenir, vu que tu n’es pas venu au mariage. » dit-elle avec un sourire revanchard.
« Tu sais bien que je n’aurai pas pu rester assis et me taire à jamais en te voyant te marier avec un autre » lui répondit-il sur le même ton, avec cependant un peu moins d’assurance, surpris lui-même d’arriver à parler aussi facilement avec elle.
« Et j’en suis le plus heureux des hommes » ajouta un homme qui devait vraisemblablement être Miles Richards, le célèbre agent sportif qui avait conquit le cœur d’Adena. Il la prit par la taille avec sur le visage ce petit air de défi qui n’est pas sans rappeler celui des hommes de Cro-Magnon devant un bon steak de dinosaure.
« Cameron White, c’est donc vous le fameux homme d’affaires toujours par monts et par vaux, Cameron White l’insaisissable, celui dont Deena me parlait constamment à une époque comme le plus grand regret de sa vie » Il resserra l’étreinte autour de la taille d’Adena, mais celle-ci se dégagea, vraisemblablement mal à l’aise face à ce combat de coq.
Cameron lui aussi refusa d’entrer dans le jeu de Richards et après une courte excuse inaudible, s’éloigna en direction du buffet. Un petit remontant lui ferait du bien. Pour un début, ça aurait pu être pire. Certes, ça aurait également pu être mieux, mais il n’avait frappé personne et était encore présent, et ça, c’était encourageant. Devant le buffet se trouvait une femme qui lui tournait le dos, pas très grande, en tailleur sombre, un peu trop grand pour elle. Un chignon banane lui formait une espèce de casque au dessus d’un cou orné d’une chaîne qui semblait être en toc. Lorsqu’elle se retourna, Cameron marqua un temps d’arrêt. Cody Myers… ou dieu sait quel nom elle portait maintenant. On pouvait dire qu’elle avait changé. Hormis ses yeux bleus et ses cheveux toujours aussi roux, elle n’avait plus rien à voir avec la pseudo-rebelle en quête de sensations qu’elle avait été durant sa jeunesse. Elle avait plutôt l’air d’une secrétaire mal vieillie, frustrée par un travail ennuyeux et sans doute mal payé.
« Cody… Cody Myers ? » demanda t-il en s’avançant vers elle.
Elle leva les yeux du verre qu’elle fixait d’un regard vide, et pendant un instant, elle sembla ne pas savoir à qui elle avait à faire. Il s’approcha d’elle, une main sur le torse
« Cameron, Cameron White… je sais pas si tu te souviens de moi »
« Cameron White bien sûr » Elle parlait d’une voix lente et monocorde, comme si elle venait de sortir d’un long sommeil. Mais il était plus vraisemblable que c’était le contenu de son verre qui lui avait donné ce ton.
« Comment vas-tu Cody ? Enfin, je peux encore te tutoyer ? » Il ne savait pas trop sur quel pied danser avec elle, ils n’avaient jamais été très proches tous les deux.
« Bien sûr que tu peux, en souvenir du bon vieux temps… ce bon vieux temps que tout le monde adore… » Elle marmonna encore une phrase que Cameron ne saisit pas. Elle se retourna vers le buffet et saisit une autre coupe de champagne qu’elle vida à moitié en une seule gorgée. Cameron regarda autour de lui pour trouver du renfort et ne pas avoir à tenir une conversation uniquement avec une Cody avinée et plus tout à fait en possession de ses moyens. Mais personne aux alentours proches. Il se lança donc.
« Alors, qu’est ce que tu deviens, dis-moi ? » Il afficha un sourire commercial sur son visage, et une lueur d’intérêt simulé éclaira son regard. Décidemment, son expérience dans la vente allait lui servir. Pas qu’il ne s’intéressait pas à la vie de Cody, mais il avait du mal à cacher son inquiétude quand à la vision qu’il avait sous les yeux.
« Je deviens… je deviens… rien du tout. La partie de ma vie qui était intéressante est derrière moi Cameron, derrière. Maintenant ne m’attendent qu’ennui et désillusion. La vie est une chienne. » Elle vida le reste de son verre et faillit perdre l’équilibre en le posant derrière elle.
Cameron la soutint par le coude et l’aida à retrouver un équilibre précaire, avant d’enchaîner sur une autre question.
« Toujours dans le journalisme, à écrire des articles, comme à l’époque ? » Sous sourire semblait figé sur son visage, comme un rempart au fait qu’il était atterré de se retrouver face à une telle épave. Les choses avaient réellement changées.
« Si tu considères que taper les rapports du conseil d’administration de Cascadia équivaut à écrire des articles, alors oui, je suis journaliste. Mais on aurait plutôt tendance à me dénommer comme une secrétaire. » Elle lui fit un petit sourire forcé, une courbette et s’éloigna en poursuivant un serveur portant une plateau plein de coupes de champagne.
Cameron avait vu juste en la voyant de dos. Secrétaire. A l’époque, Cody était peut être celle qui avait le plus de projets d’avenir parmi eux. Et voilà où elle en était. Secrétaire n’était pas un sot métier, mais ce n’était clairement pas celui qui lui convenait, vu l’état dans lequel ça l’avait mis. Il s’attendait à ce que ses anciens amis aient changés, mais pas à ce point. D’un coup, il eut peur de ce qu’il allait encore découvrir. Et soudain, une apparition à la porte le rassura. Tandis que Kyle Geddes criait le nom de la personne qui arrivait, Cameron afficha un grand sourire en la voyant. Enfin une chose qui n’avait pas changé.

J'adore cette histoire ! Et tu écris vraiment très bien ! Félicitations !

Cody secrétaire...
S'est super bien écrit, décrit..... on a l'impression d'être dans la salle à coté d'eux!!
J'aime beaucoup beaucoup beaucoup!! et comme tu l'as dit: bref mais intense!!!!!
vite la suite!! aussi bien que celle là!

j'adore quand tu me contredis... mais bon, tu avoueras quand même que c'est rare que tu postes plus vite que ton ombre!!

J'adore la description de Cody!! franchement, vive la cody pathétique et désabusée.... et Squib, il sera dans quel état?? Je suis sure que c'est lui qui arrive là!!

He ben ! Qu'elle suite !
Lol

Pauvre cameron, je comprend sa gene devant une cody a moitié alcoolique !!
Mais bon pauvre cody quand même finir secrétaire alcoolique ce n'est pas une perspective d'avenir qu'elle avait espérer !

Enfin très belle écriture, très bonne mise en page, très bonen tournure de phrase et j''en passe !

Bravo a toi Sub pour ce beau début et cette magnifique suite !

je ne fais que me répéter, mais toujours aussi génial
je suis en train de sérieusement m'attacher à cette fic
en attente d'une suite toujours aussi sensas...

J'adore trop. Sa fait un bout de temps que je ne suis pas passé sur le forum et franchement ça ma fait du bien de revenir.
J'adore l'idée : 50 ans après. Sa fait longtemps !!!!
Enfin, bonne continuation et continue comme ça.